dimanche 3 février 2008

Idriss Deby, ou le rebelle qui a fini par se prendre pour un Président


Lorsque les journaux ont annoncé une nième tentative de renversement du régime Tchadien hier, je dois avouer que je n'ai pas été au courant. C'est en marchant dans la rue en fin d'après-midi qu'un ami m'a informé de la situation dans un des pays d'Afrique les moins démocratiques qui soit, le Tchad.

Depuis plusieurs mois, voire plusieurs années, le régime en place subit des attaques de rebelles, ces derniers se disant être investis par la population qui en a marre, et qui souhaite aussi jouir des richesses de son sous-sol, et découvrir enfin une certaine "stabilité".

Mais il faut dire que la situation actuelle au Tchad n'est que la conséquence d'une série de causes bien connues...

- Le "Président" actuel, Idriss Deby, né en 1952, est arrivé au pouvoir par la méthode la mieux connue et appréciée des tchadiens, à savoir la force. Aidé par quelques frères d'armes, Idriss a réussi un coup de force en 1990, contre son ancien allié Habré, qu'il avait aidé à chasser Goukouni Weddeye moins de dix ans avant.

Mais les mêmes causes produisant les mêmes effets, Idriss Deby a très vite oublié les raisons qu'il annoncait comme celles guidant son choix, à savoir sauver le peuple tchadien de la dictature, de la pauvreté et de la peur. Certes les promesses n'engagent que ceux ui les tiennent (et pire encore ceux qui les croient), et nous savons que pour poser un acte important, il vaut mieux se fabrique des raisons qui parviennent à nous convaincre nous-mêmes...

En tout cas en mettant à l'écart ses anciens frères d'armes, Idriss Deby a certainement commis l'une des fautes habituelles des chefs d'armes revêtant la tenue de politiques. En effet, pour les sociologues politiques, la logique consiste à toujours se débarrasser (supprimer) les personnes qui vous aident à prendre le pouvoir par les armes, car elles auront toujours le sentiment légitime que vous leur devrez votre positition actuelle, et sauront vous le rappeler, d'une manière ou d'une autre.

- Idriss Deby n'a pas fait beaucoup d'efforts pour changer la tendance, et offrir à son pays un environnement meilleur que ce qu'il a toujours connu. Le peuple attendait de lui qu'il ouvre les portes à la démocratie, qu'il permette à cet Etat si pauvre, de participer à la répartition des fruits des ressources pétrolières immenses. Non, le président et sa clique, ont pillé tout qui pouvait l'être, matraquant l'opposition, parfois par la force, parfois par des idées toutes aussi stupides que puériles (changement de la constitution par la force, élections truquées, offre de quelques postes dans le gouvernement aux membres de l'opposition, etc.)

- Le Chef de l'Etat tchadien a aussi commis l'irréparable, à savoir s'attaquer aux interêts de la France dans un pays qu'elle considère encore comme l'une de ses nombreuses provinces africaines. En effet, Deby a donné une série de marchés pétroliers aux américains, contre l'avis de la France. Certes avec les américains cela a souvent été compliqué, au point où les comptes tchadiens ont été gêlés à plusieurs reprises par la Banque Mondiale sous prétexte que le Tchad souhaitait changer les règles de dupes définies dans le contrat le liant aux compagnies exploitant l'or noir. Mais certainement la France n'a jamais digéré le fait que ses parts de marché diminuent autant, elle qui s'appuie énormémement sur ses colonies, pour atteindre sa croissance.

- Je ne vais pas insister sur le cas du Soudan, car j'avoue très humblement que cette histoire est si compliquée, que même le Président Idriss Déby ne doit pas forcement s'y retrouver. Je retiens juste que tous les coups d'Etat partent de cette zone, d'ailleurs Idriss Deby à son époque s'y était installé pour préparer son entrée dans la capitale...

- Le dernier acte d'affront commis par Deby, porte le nom de code "Arche de Noé"...pour des raisons que l'histoire se chargera bien de nous expliquer un jour, il a fait d'un non évènement (puisque vous et moi savez que le trafic d'enfants ne date pas d'hier et n'a pas commencé au Tchad...) un scandale politique, diplomatique et judiciaire...au point de forcer le Président Sarko à faire des gourdes verbales, en affirmant qu'il ne veut rien savoir, et qu'il fera revenir ses compatriotes sur le térritoire français, quel que soit ce que cela coûtera. Et BING!

Loin de moi l'envie de dire que Deby n'était pas en droit de penser qu'il était un vrai Président, qu'il avait le droit de faire ce qu'il voulait puisqu'il dirige un pays indépendant...je pense juste que même le Général le plus saoûl, sait qu'on ne déclenche pas plusieurs guerres en même temps, et qu'avant toute guerre, il ya l'étape d'évaluation de ses forces et de ses faiblesses, et même la recherche d'un plan B, juste au cas où...

Soit Deby a fait preuve de naïveté, soit il ne s'est jamais transformé en Chef d'Etat, car cette fonction requiert un certain nombre de comportements; il aurait pu au moins obtenir le soutien de son peuple, en redistribuant ne serait-ce qu'un faible pourcentage des richesses pétrolières, au lieu de se partager cela avec sa famille et ses proches. Car à présent, il a les français contre lui (je ne me contente pas des longs discours actuels, d'une France qui condamne les actes qui se produisent; on a condamné les actes du Rwanda, jusqu'à ce que le sang se trouvant ses les machettes sèche non?)

Actuellement je parie que le téléphone fonctionne à plein régime, entre N'Djamena et Libreville, car dans l'histoire des coups tordus se déroulant en Afrique Centrale, voire même en Afrique noire, s'il ya bien une personne qui est informée dans des délais très acceptables, c'est le grand Omar du Gabon.
Son rôle consiste en général à faire ce que l'Onu ne se permettrait pas, à savoir conseiller le Président à négocier avec les rebelles, ou lui expliquer pourquoi il serait sage de signer quelques accords d'exploitation à telle ou telle compagnie (comme par hasard ce sont en général des entreprises françaises tiens!); quand c'est plus compliqué, il a pour mission de faire décoller un avion de son pays, pour aller chercher le Président menacé, avant que les rebelles n'atteignent sa chambre à coucher pour mettre fin à sa pauvre et lugubre vie de dictateur.

C'est triste, mais tant que nos Etats ne prendront pas (ne me demandez pas de quelle manière) leur vraie autonomie, on en sera toujours là. C'est comme de vivre dans un ménage en demandant toujours l'avis de ses parents & beaux-parents, pour prendre des décisions qui ne concernent que ledit ménage. Nos Présidents en sont là, et savent pourquoi...

Pauvre Idriss, j'espère qu'il aura encore la force pour signer quelques accords, et sauver ainsi son pouvoir; car ce qui est effrayant, c'est que rien ne laisse penser que ce soit son successeur qui apporte mieux que des promesses...pauvre peuple tchadien.

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