mercredi 10 juin 2009

Le chef est mort, vive le chef.

Il ya des signes qui ne trompent pas, et qui traduisent bien de ce que certains de nos Etats ne parviendront pas rapidement à sortir de leur statut de républiques bananières.
Même si le ton semble un peu dur, le but de mes propos n'est pas de juger mais de recouper certains faits qui au départ font rire, mais finalement appelent à une certaine méditation, ou tout simplement font pleurer.
Je veux parler des évènements des derniers mois dans un pays voisin nommé Gabon. Dire pays est surtout une marque de respect, tellement le fonctionnement et peut-être même la population, font plus penser à un village africain, qu'à un Etat du monde civilisé.
1- Il ya quelques années (environ 3), l'épouse du Tout Puissant Chef de l'Etat gabonais, de surcroît fille du Président voisin Denis Sassou Nguesso, partait s'installer dans un hôpital au Maroc, pour y suivre des soins en toute discrétion. Même si beaucoup s'avancent, personne ne peut à ce jour confirmer de quoi Mme la Présidente souffrait en réalité. Au moins les manifestations de son état de santé, laissent cours à toutes supputations, voire même divaguations (follie, sorcellerie, cancer, etc.);
2- Il ya quelques mois, Edith Bongo quittait cette Terre pour regagner celle de ses ancêtres, sous un tapage médiatique sans pareil, malgré une volonté très peu convaincante de l'Etat gabonais, de maintenir le secret autour des causes de son décès, tant il est admis qu'en Afrique, contrairement à ailleurs, on ne meurt jamais pour rien! Alors les obsèques de cette dame née avec une cuillère en or dans la bouche, ont été organisés en grande pompe, au Gabon et au Congo de son père. Pour une fois, et la tradition mise en avant, nous avons vu le corps d'une femme dont le mari est en vie, se faire entérer dans le village de son père!
3- Durant les obsèques de Edith Bongo, des rumeurs ont circulé, faisant état soit d'une mort provoquée à cause de ses relations assez ambigues avec certains membres du gouvernement de son cher époux, soit d'une mort provoquée à cause des tensions entre son époux et son père, tous deux présidents mais surtout grands connaisseurs et manipulateurs des coutumes et de leurs potions, soit d'une mort provoquée à cause de la volonté de la belle dame, d'affronter son époux sur un térrain se situant en dehors du champ rationnel...bref, le terme "mort provoquée" revenait trop souvent et on n'a pas eu besoin d'avoir passé du temps sur les bancs de Siences Pô, pour peser l'ambiance tendue (dans les romans spécialisés, on dit ambiance à couper au couteau) qui régnait entre les deux personnes supposées être les plus affectées, à savoir les présidents Bongo et Sassou;
4- Quelques jours après le départ de son épouse, le Grand Président OBO (Omar Bongo Odimba), a fait ses valises, réglé toutes affaires courantes, désigné son vice Président comme celui qui s'occuperait des dossiers en son absence, et pris un congé sabbatique, pour aller "digérer" la mort de son épouse. Il faut croire que dans le but de se démarquer des autres présidents du monde, il a tenu à préciser que son voyage à l'étranger imposait la suspension de son mandat, ou alors de son activité présidentielle. Quand je vous dis qu'en Afrique nous avons des célébrités, c'est pour attirer l'attention sur le fait qu'aucun autre chef d'Etat en fonction n'avait encore sorti cette "carte"...même Bush, quand il sa refugiait au fin fonds de son texas natal, n'avait pas besoin de dire qui signerait les parapheurs, car une organisation bien structurée a prévu tous les cas de figure, et les procédures sont inscrites partout sauf dans les journaux. Dans tous les cas, son départ ressemblait fortement à un grand départ, à un départ sans retour...d'ailleurs les journaux aguéris avaient commencé à lister les potentiels successeurs, au cas où le chef décidait de baisser les bras après 41 ans de pouvoir (je ne saurai m'engager sur son âge réel, mais au moins la durée de son mandat semble faire l'unanimité).
5- Comme ca se fait dans nos villages bantous, l'annonce de la mort du chef, ne se fait pas n'importe comment, quel que soit l'endroit où le chef décède. D'abord on ne dit pas que le chef est mort, les initiés ont un code précis pour dire et pour comprendre que le trône est vacant. Ensuite on ne l'annonce pas dès son décès, car il faut finaliser certaines choses, dans le monde réel et dans celui qui l'est un peu moins. Partant de là on peut comprendre la cacophonie qui a entouré l'annonce du décès de OBO. Comme Jésus, il est mort, mais avant 3 jours il avait rescucité, s'il faut s'en tenir aux propos de son premier ministre. Annoncé mort dimanche soir, le PM a dit qu'il l'a vu lundi matin, pour dire lundi soir qu'il est (re) mort! Là même un fonctionnaire fraîchement sorti de l'école d'administration, aurait pu gérer ca sans trop se planter!
Mais bon, disons que l'émotion, quel que soit le rang qu'on occupe, peut faire perdre la tête...pour ne pas dire le Nord.
Voilà donc qu'après 41 ans de gestion personnelle du pouvoir, le roi de la forêt s'en est allé, car même si certaines situations de la vie ne nous aident pas toujours à nous en souvenir, nous ne sommes que de passage sur cette terre, alors pas besoin de faire comme si certains mourront et d'autres pas.
Alors que le programme n'est pas encore annoncé pratiquement tout le monde se comporte comme au village, en posant LA question: Qui va succéder au Chef?
Dans un pays démocratique ce type de questions ne pourrait pas exister, car la constitution prévoit clairement la suite des choses. Au Gabon (et ce n'est pas le premier pays à le faire), il semble clair que la constitution sera utilisée comme paravent, mais que la coutume sera prioritaire, c'est à dire que l'on ira lire les dernières volontés du chef et on les appliquera. D'ailleurs certains noms circulent, dont le premier est celui d'Ali Bongo, digne fils de papa et tout puissant Ministre de la Défense. Ce dernier, annoncé malade et évacué il ya quelques semaines, aurait été reçu par Sarkozy (l'homme de la rupture) et Claude Guéant (son manitou et SG), certainement pas pour donner les nouvelles de son père...
Mais à côté, sa soeur et détentrice du patrimoine financier de papa, est plus tentée de voir le pouvoir revenir à son cher et tendre époux, qui actuellement est ministre des Finances...
En tout état de cause, la transition/succession ne sera certainement pas aisée, et les français comme à leur habitude, se posent déjà des questions concernant leurs investissements actuels (Total par exemple) et futurs (Areva) dans ce petit pays très peu peuplé mais relativement riche d'Afrique Centrale, dont le président a été agent secret de la France puis amis des Présidents français.
Parce que le quartier a son mot à dire et comme je l'ai signalé au début, parce qu'en Afrique on ne meurt ni ne réussit jamais de façon naturelle, le nom de Sassou revient, et l'homme de la rue pense que dans sa colère il a certainement appliqué la loi que les chrétiens récitent sans jamais appliquer: oeil pour oeil...
La seule chose qui personnellement m'arrangerait, c'est que les populations et les résidents étrangers vivant au Gabon, parviennent à vivre et à poursuivre leurs activités sans trop de stress, et surtout sans être inquiétés. Que la classe politique soit responsable et ne prenne ni le pays ni ses habitants en otage. Car de son vivant, même si l'on reproche beaucoup de défauts au défunt chef, il faudrait reconnaître que la majorité se sa population vivait loin d'une certaine pauvreté, mais surtout, loin de la peur de mourir en sortant de la maison, ou en y rentrant.
Pour nous qui comptons nous lancer en politique, dans le but de changer le monde, ou du moins le quotidien des populations, il est temps d'espérer que le mot politique prenne un autre sens, celui du service. Il est temps pour nous de nous intérroger sur les leçons que l'on pourrait tirer de tout ceci, afin que l'arbre qui tombe sur le toit du voisin, ne soit pas sujet à rigolade, alors que notre maison est sur sa trajectoire aussi.
Je voulais le dire.

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